jeudi 4 novembre 2010

Amazonie, Chapitre 3 : Chaman ou sarbacane ?

Troisième jour en Amazonie. Nous étions maintenant bien acclimatés. Le programme de la journée était une expédition vers un village de la jungle, pour y rencontrer la tribu des Siona-Sequoia, ainsi que leur chaman. Deux heures de pirogue suplémentaires à s'enfoncer dans la jungle, toujours plus à l'est, pour parvenir à notre objectif... Place aux photos !


Comme tous les matins, notre pote la mygale noire digérait calmement sa prise de la veille au dessus de nos têtes pendant que nous prenions le petit déjeuner.

Départ en pirogue. Notre ami le héron se preparait quant à lui pour la partie de pêche de la matinée.

Temps magnifique et ensoleillé pour notre départ du camp.


Temps de plus en plus couvert au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans la jungle (comme si on n'y était déjà pas assez enfoncés...). Au fond, devant Luis, le Samona, famille d'arbre parmi les plus grands de la forêt amazonienne.


Après 2 heures de pirogue, un peu en aval du village Siona-Sequoia se trouvait, isolée, la maison du chaman. Nous avons débarqué et marché 10 minutes dans la forêt avant d'y parvenir. Sur le chemin, Luis a cueilli le fruit ci-dessus, l'a ouvert en deux, et nous a expliqué que les locaux se font des peintures corporelles avec les petites capsules rouges contenues à l'intérieur. Il nous a proposé d'essayer et nous nous sommes éxécutés. Résultats...


... Cédric en mode mousquetaire et Julien et mode FARC...

... Mathieu en mode... Siona-Sequoia... Enfin, d'après lui-même...
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Arrivés à la case du chaman, nous avons dû patienter quelques instants, le temps qu'il se prépare. Sachant qu'il se prend une potion hallucinogène à peu près tous les soirs pour trouver un remède à ses malades, il avait peut être l'équivalent d'une bonne gueule de bois en continu depuis 60 ans, donc les matins ne devaient pas être faciles tous les jours... Fallait être indulgent avec un tel héros de la déglingue.

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Bref, arrive enfin l'énergumène, un petit vieux tout sec dénommé Roberto, paré d'une sorte de robe, de colliers, de bracelets, de piercings et de plumes. On s'est assis en cercle autour de lui et il a commencé à nous raconter son histoire : son enfance, comment il est devenu chaman, le principe de son "métier" de guérisseur, etc. Pour faire bref : il est le médecin de son village, mais il pratique aussi sa science pour n'importe quel individu venant le voir de n'importe où dans le monde. Les gens viennent lui demander conseil lorsqu'ils sont malades et son rôle à lui est de faire une sorte de diagnostic qui se décompose en 2 étapes : savoir s'il est en mesure de les guérir et s'il le peut, par quel(s) moyen(s) il doit le faire. Comment fait-il son diagnostic ? C'est simple : il écoute son malade, se prépare un bon shot de potion hallucinogène, l'ingurgite et part ensuite en communion avec une sorte de dieu guérisseur. Pendant son hallucination, le dieu lui indiquera si le malade est curable ou non et par quel moyen il doit être guéri. Dans la plupart des cas, ce dieu indique à Roberto une ou plusieurs plantes de la jungle ainsi que le moyen de les préparer. Le trip dure environ 30 minutes. Lorsqu'il redescend, il prononce le verdict au malade. Si il est curable, le lendemain Roberto part dans la forêt à la recherche des plantes nécessaires au remède. C'est là que commence le traitement.

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Sans rentrer dans le détail, il y a tout un parcours initiatique pour devenir chaman et ça commence dès le plus jeune âge. Roberto pratique son art depuis des décennies et est très reconnu. Des gens viennent du monde entier pour être soignés par lui. Il a aussi régulièrement "des élèves" qui viennent apprendre son art pendant des mois, voire des années, avant de repartir dans leurs pays d'origine pour le mettre en pratique. Il a également participé à de nombreuses conférences dans le monde sur les différentes formes de chamanisme existant à travers la planète. Enfin bref, son histoire était assez fascinante. Et lorsqu'on voit le petit bonhomme vivant modestement dans la jungle, tout sec et introverti, on a du mal à imaginer toute l'histoire qui se cache derrière lui !

Roberto, en train de faire une démonstration sur moi-même d'une cérémonie de transe pour entrer en communion avec le dieu guérisseur. Je vous rassure, ce n'était qu'une démo, il n'avait rien pris. Après nous avoir raconté son histoire et tout un tas d'anecdotes impossibles à résumer dans ce blog, il s'est prêté à une session de questions/réponses pour assouvir l'immense curiosité qu'il suscitait chez nous. Une question en amenant chaque fois une nouvelle... A un moment donné, on s'est tout de même demandé si ce n'était pas un charlatan... Mais quand on a vu quelques jours plus tard, dans une librairie de la ville de Baños, qu'il était cité dans à peu près tous les livres faisant état des points remarquables du patrimoine équatorien, on a compris à qui on avait affaire : un grand monsieur.

Pour vous dire, il côtoie les plus grandes stars : le voici avec Salvador Dali.

Ici avec le fils caché de Géronimo.


Et enfin ici avec le fameux personnage de la pub Banania.


Après cette mystique entrevue avec Roberto, nos aventuriers ont rebroussé chemin et remonté la rivière pour se rendre au village des Siona-Sequoia. Ci-dessus, arrivée de nos héros à la communauté de Puerto Bolivar (nom du bled amazonien), tels des conquistadors espagnols, cherchant quelque indigène à exterminer ou quelque statuette en or massif à faire fondre. Regard épique pour Mathieu. Regard d'autoroute pour Cédric.


La procession se dirige vers le village en traversant... le terrain de foot. Eh oui... Même au fin fond de la jungle ils trouvent le moyen de dépouiller quelques mètres carrés de forêt pour y poser du gazon et jouer au ballon !


Rencontre avec le premier habitant du village : Nacho ! Un petit singe recueilli par les villageois, devenu une sorte de star ou de mascote locale.


Certains diront qu'il est mignon, d'autres qu'il a un air humain. Moi je trouve juste qu'il à l'air vraiment con.


Autre animaux de la jungle. Oiseaux blessés, recueillis par les locaux. Pour les soigner ou bien pour les engraisser et les bouffer ? L'histoire ne le dit pas.


Idem. L'avait pas l'air commode celui-là. A mon avis si y'en a un des deux qui allait se faire bouffer en premier, c'est bibi...

Perroquet (domestique ?) du village.
Ils pouvaient prononcer des mots d'après Luis, mais certainement dans une langue inconnue, parce qu'on n'y comprennait pas grand chose... Pffff... Ils savent pas s'adapter aux touristes ces sales teigneux d'emplumés...


Et maintenant, atelier "cuisine amazonienne" ! Ici, Mathieu en train de déterrer des racines de manioc pour en faire des galettes. Et il va les faire lui-même. Si si ! Accrochez vous bien...


Après que Mathieu ait posé pour la photo de "déterrrage de manioc", c'est Juanita (habitante du village) qui se coltine l'épluchage... Le monde est bien fait quand même...


Direction la cuisine pour préparer et cuire les galettes. Accessoires : un grand tronc creux (au centre, derrière Luis) et une grande plaque métallique percée pour raper ; un savant tressage de feuilles de palme et une potence (à gauche de Luis) pour l'essorage ; un plateau en terre cuite et un feu pour la cuisson (à droite).


Juanita alimente le feu et étale les braises.


Mathieu rape les racines de manioc dans le tronc creux. Il a un sacré coup de poignet le Mathieu depuis qu'il est en Amérique du sud...


Julien gère le feu... (= s'approprie le travail de Juanita). Comme tout bon FARC, il faut savoir tyranniquement tirer profit du labeur des populations de la jungle.


Juanita récupère le résultat du travail endurant du bras droit de Mathieu, qui a bien bossé, mais qui en a foutu partout comme le montre la photo et... quoi !? Ah oui d'accord !... ça y est !... je sais à quoi vous pensez bande de dégueulasses ! Il s'agit tout simplement de manioc rapé que Juanita dispose dans le tressage de feuilles de palme ! Rooohhh là là !


Le tressage est ensuite entortillé, l'une des extrémités est accrochée en haut de la potence, l'autre est traversée par un morceau de bois. En tournant le bout de bois, le tressage se resserre et comprime le manioc qui se vide intégralement de son jus (bon c'est fini les rires là ?!). Pendant ce temps là, Luis faisait des aller-retour entre la cuisine et la case d'un voisin et nous ramenait une verre d'alcool local, la chicha (à prononcer tchi-tcha), qu'il nous invitait généreusement à goûter, avec le sourire aux lèvres. Et chaque fois qu'il revenait avec un nouveau verre, il avait encore plus le sourire aux lèvres...


Mais revenons à nos moutons. Après l'avoir bien pressé, le manioc rapé devient une sorte de farine bien sèche, qui sera tamisée pour être séparée des impuretés.


La farine de manioc est ensuite étalée sur le plateau en terre cuite posé sur le feu.

Après environ 1 minute la galette obtenue s'est solidifiée et est prête à être retournée comme une crèpe. On fait enfin cuire un peu la face opposée et le tour est joué ! Au tour de nos aventuriers de s'essayer l'art de la galette de manioc...


Cédric verse la farine sur le disque de terre cuite brûlant...


Mathieu surveille la cuisson pendant que Cédric goute à la chicha de Luis.


Cédric remet le tablier et commence à décoller la galette du plateau pour la retourner.


Puis, une fois cuite des deux côtés, vient l'opération périlleuse du retrait de la galette, avec brûlure des doigts garantie...


Et voilà le travail ! Plutôt réussi pour un premier essai !



Après quoi, Luis - qui était chaud comme la braise et un peu pompette - a décidé de nous apprendre à tirer à la sarbacane. Une technique de chasse typique des amazoniens, qui trempent le bout de leurs fléchettes dans le venin de grenouilles ou des araignées pour dézinguer leur proie en moins de deux. Dans notre cas, la cible n'était malheureusement que l'orange que vous voyez au premier plan... Bien que ça nous ait démangé à plusieurs reprises d'avoiner copieusement le cul de singe de ce petit arrogant de Nacho...


Là, franchement, si avec les bottes boueuses, le treillis kaki, la chemise marron, la gueule peinturlurée et la sarbacane en joue j'ai pas la dégaine du parfait FARC, je ne sais plus quoi faire... Attention : feu !... Raté...


Au tour de Mathieu : Feu ! Raté...


Et enfin Cédric : feu ! Raté... Décidemment, on était tous les 3 des grosses buses à la sarbacane. Ca devait être l'effet de la chicha...


En tout cas, Nacho a eu chaud aux miquettes... Il n'était pas mécontent de nous voir décarrer... Enfin voilà...


Notre journée au village amazonien des Siona-Sequoia avait été bien remplie et touchait à sa fin.


Restait à rentrer au campement, ce qui signifiait 2 heures de pirogue...


... emmenés par un guide... ivre ! Eh oui... Vous voyez ici Cédric et Mathieu en train de lever les yeux aux nues, les mains croisées, implorant les cieux de ne pas laisser Luis faire basculer leur frêle esquif... Luis avait en effet ré-embarqué sur la pirogue avec une "bonne casquette" comme on dit... On a même dû faire un arrêt sur les berges du fleuve en cours de route pour qu'il fasse une vidange... Il a carrément failli finir à l'eau, vu son équilibre précaire... Mais on a bien ri... Surtout quand, en arrivant au camp, il est parti se coucher pour n'emmerger que 3 heures plus tard avec une bonne gueule de bois ! Eh oui, même dans la jungle la déglingue étend ses tentacules !
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Voilà pour notre troisième journée dans la forêt amazonienne. Nous sommes ensuite repartis à la nuit tombée chasser le caïman, et sommes tombés, après une demi-heure de traque, nez à nez avec une bête de 4 mètres de long qui glandait paisiblement à la surface de l'eau... Véritablement à 1 mètre de nous, qui étions dans une petite pirogue à 30 cm au dessus du niveau de l'eau... Frissons et changement de caleçon garantis ! Mais toujours le même discours de Luis : "Les animaux de la jungle ne vous attaqueront pas sauf s'ils ont une bonne raison de le faire"... Mouais... enfin là on n'avait pas envie de tenter le diable... On est ensuite retourné au camp boire quelques bières et jouer aux cartes, avant de rejoindre notre couche pour notre dernière nuit dans la forêt... Avec, comme toujours dans les moments exceptionnels, la bizarre impression que c'était passé trop vite...
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La suite à venir !

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